vendredi 13 janvier 2012

Dernière étape, la Turquie : à la croisée des mondes


Je regrette de quitter l'Iran dans la mesure où les échanges avec les Iraniens, facilités par la pratique de l'anglais, m'ont permis de mieux comprendre le pays et de prendre la mesure des préjugés que l'on peut entretient.
Il me semble important d'y aller : d'abord parce que la culture persane est d'une richesse incroyable, ensuite parce que la population souffre, du régime dominé par les mollahs dont elle souhaite s'affranchir mais aussi de l'image dévalorisée et désastreuse que les Occidentaux ont des Iraniens.

Je suis malgré tout frustrée de ne pas avoir pu rouler à travers le pays, et donc l'idée de reprendre le vélo me ravit. Guillaume (accessoirement, notre cuisinier) est reparti à Montréal, et je poursuis mon chemin avec Marie.



C'est avec bonheur que nous remontons sur nos montures, et nous retouvons le plaisir de voyager à vélo, qui s'était quelque peu émoussé en Asie centrale.





La Turquie se situe à la confluence de deux continents : l'Asie et l'Europe. D'où la persévérance de la Turquie pour faire partie du monde occidental, via l'Union européenne. Sans prétendre répondre à cette question, dès lors que je suis rentrée en turquie, j'ai eu la sensation d'être en Europe, avec des repères (culturels, géographiques...) qui m'étaient enfin familiers.
Des cultures foisonnantes s'y sont enracinées, les plus grands conquérants du monde (Alexandre le Grand, Darius, Tamerlan, Gengis Khan, Delphine T...) y sont passés.

Nous rentrons en Turquie, par le Kurdistan, en nous dirigeant vers le lac de Van (qui a récemment souffert d'un grave tremblement de terre).
Mon séjour en Turquie s'est avéré génial à tous les niveaux. Il est néanmoins, un sujet (enfin deux) qu'il est impossible d'aborder avec les Turcs : les Kurdes (pourtant d'actualité) et les Arméniens.





La nation moderne et laïque voulue par Atatürk ne reconnait pas la notion de minorités nationales. Dans la mesure où la citoyenneté turque prime, la reconnaissance des minorités ethniques ne se fait pas. Même si les Kurdes représentent quelque 13 millions de personnes (sur 70 millions d'habitants), les autorités restent dans le déni. Les tensions dans l'est du pays sont vives où une forte présence militaire tente de contenir la guérilla entretenue par le PKK.

Le Kurdistan est constitué de montagnes (comme la majeure partie de la Turquie) où les troupeaux de moutons constituent des tâches blanches au milieu de ces paysages grandioses. Et les plus gros points, ce sont les redoutables kangals (ces chiens de bergers monstrueux capables d'affronter loups et ours). Alors, ce n'est pas une petite cycliste de rien du tout qui va leur faire peur. Heureusement, nous avons croisé le chemin de nombre d'entre eux, mais aucun ne nous agressées !
Je ne dispose pas de photos : j'accélérais plutôt sérieusement quand j'en croisais, même si ça grimpait sec. Mais jetez un oeil sur internet, ça vaut le coup...
Outre les chiens de berger, la région connait une présence militaire impressionnante.





Nous y rencontrons un bon accueil, comme d'ailleurs partout en Turquie. Certains cyclos ont eu à déplorer des jets de pierres de la part de gamins, ce qui n'a pas été le cas. Nos bivouacs dans cette zone étaient souvent idylliques.





Le lac de Van, ancien lieu arménien. Après la 1re Guerre mondiale, la république turque s'est costituée (1923) dans ses nouvelles frontières. Les peules chrétiens d'Anatolie dont les Arméniens qui ont des revendications territoriales sur cette terre sont alors forcés à l'exode ou éliminés.





La Turquie possède des réserves en eau abondantes (fleuves du Tigre et de l'Euphrate).





Des caravansérails (hans) parsèment le pays



Etape majeure sur l'itinéraire commercial des routes de la soie et plaque tournante entre la Mésopotamie et l'Occident, les marchandises (soieries, épices,tapis persans...) issues de l'Asie et à destination de l'Europe transitaient par la Turquie. Sur ce territoire charnière, sorte de pont entre la Méditerranée et la mer Noire, une multitude de peuples et de cultures se côtoyèrent : Arabes, Byzantins, Turcs, Arméniens, Kurdes, Ottomans...
Les caravansérails (relais) qui ont résisté au temps sont aujourd'hui transformés en hôtels, salles de spectacle...










L'Anatolie, au coeur du pays, présente une étonnante diversité géographique. Encore très rurale et préservée, elle se spécialise dans l'élevage et la culture du blé.









La Cappadoce nous étourdit avec ses cheminées de fée sculptées par le temps. Sculptés dans le tuf (cendre volcanique façonnée par l'érosion), les paysages lunaires et fantasmagoriques nous séduisent littéralement. Je rêvais depuis des années de la Cappadoce, et mes attentes ne sont pas décues.





L'implantation de l'homme en ces lieux est ancienne. Dès les tout premiers temps du christianisme, les premières chapelles rupestres ont été investies. De véritables villes souterraines s'étendent sur plusieurs kilomètres, parfois étagées sur plusieurs niveaux. Ces refuges souterrains permettaient aux populations de s'y cacher. Tout était prévu pour une longue survie sous terre (portes en meule de pierre, couloirs labyrinthiques, pressoirs, cheminées d'aération...







Le tuf a permis de creuser et bâtir de nombreuses églises, témoins de l'épanouissement du christianisme entre le XI et XIIIe. Les chapelles qui subsistent conservent un fabuleux décor de peintures murales, fresques...





La splendeur des paysages n'a pas (peu) été entâchée par l'essor économique que connaît la Turquie. Tant dans les villes que dans les campagnes, l'impression de prospérité est patente. Son taux de croissance d'environ 8 % par an fait pâlir de nombreux pays européens où nous flirtons avec le 0,???.
Malgré tout, la Turquie qui aspire à intégrer l'UE reste sur le seuil.







Des bivouacs de rêve
J'y reviens souvent, mais c'est important quand on roule de pouvoir, pour un soir, dormir sereinement, pour repartir de bonne humeur le lendemain.









Difficile de quitter cet endroit féerique, mais je suis attendue en France, il faut bien avancer et découvrir d'autres lieux tout aussi merveilleux.





Nous bénéficions d'un temps superbe sur les Cappadoce, mais les nuits commencent à être sacrément fraîches, d'où notre intention de retrouver un soleil plus vif en nous dirigeant vers la côte antalyenne (lycéenne).

Avant de l'atteindre, passage par Konya, ville sacrée du soufisme. Dans cette cité seldjoukide, Rumi a fondé au XIIIe l'ordre des derviches tourneurs (confrérie musulmane). Leur danse giratoire très codifiée permet d'atteindre l'extase et de répandre sur terre la grâce d'Allah. Une cérémonie religieuse à donner le vertige !!



Une vingtaine de civilisations antiques ayant occupé le territoire turc, de nombreux sites archéologiques (Pergé, Didymes, Pergame...) attirent les touristes. Nous n'en visitons que quelques-uns. Parmi les plus célèbres : Aspendos, Ephèse









Voie lycéenne : Superbe voie à vélo, nous traversons des paysages méditérannéens. Tous les éléments y sont : mer, soleil, côte, relief, chèvres, oliviers, falaises, senteurs... Pas facile du tout, mais quel régal.
La civilisation lycéenne est connue essentiellement à travers son art funéraire (tombeaux à Kas). Les paysages marins, en bordure de la baie maritime nous font découvrir des criques désertes.


















Heureusement qu'il y a ce genre de réconfort après...





Avant de rejoindre Istanbul (sans les vélos), nous allons sur un site incontournable : Pammukale et Hiérapolis .

Hiérapolis (IIe av. JC) présente des vestiges de thermes, un théâtre restauré, un temple consacré à Apollon, et une vaste nécropole.






Pammukale signifie "château de coton". Ce site naturel surprend en effet par la blancheur irréelle des paysages. Des sources d'eau chaude chargée de calcaire ont généré par ruissellement ces tufières.













Des bazars à couper le souffle
Espaces privilégiés de commerce et de brassage, les bazars comptent des centaines d'échoppes et de gargotes. Ceux de Diarbakir, de Konya et de Bursa nous enchanteront tout particulièrement, sans compter celui d'Istanbul.












Les Turcs ont le sens du comerce comme si l'antique route de la soie coulait dans leurs veines. Labyrinthiques, les bazars donnent à voir et à manger. Les commerçants ne manquent jamais l'occasion de nous offrir un Cay (thé), c'est ce qui s'appelle avoir le sens du commerce.



















La Turquie sans les kebabs, ce n'est pas la vraie Turquie.




Istanbul, Byzance, Constantinople... cosmopolite









Trait d'union entre la Chrétienté et l'Islam
Symbole d'Istanbul, le pont qui relie les deux rives du Bosphore, l'Asie et l'Europe. Ou encore, la basilique Saint-Sophie (Aya Sofya), restée une église jusqu'en 1453, lorsque Mehmet le Conquérant en fit une mosquée. Atatürk, en 1935, en fera un musée, symbole d'Istanbul.









La Mosquée bleue (Sultan Ahmet) illumine le ciel d'Istanbul de ses six minarets fuselés. Bâtie au XVIIe, elle rivalise avec Aya Sofya et devint le point de départ des pélerins en partance pour la Mecque. Emblématique du monde et de l'art musulman, elle totalise plus de 40 coupoles, 23 000 carreaux de faïence...



Invitation eau voyage

Depuis que l'idée a germé, un temps certain s'est écoulé. Eh oui, déjà deux ans que le projet de départ ne me quitte pas. Enfin presque. Certes, il a pris le temps de revêtir toutes les formes possibles et imaginables. Pourtant, quand il a émergé de mon esprit embrouillé, je me suis imaginé que c'était l'idée du siècle. Que personne auparavant n'avait pu concevoir quelque chose d'approchant. Modeste que je suis…
Dès que je me suis penché sur la question pour préciser l'étincelle de départ, je me suis rendu compte qu'à peu près tout avait déjà été envisagé et accompli, le plus souvent, superbement. Alors, retour au point zéro? Point du tout.
L'objectif n'est pas de concevoir l'exploit, mais de mettre en place un voyage sur le long cours qui remplissait plusieurs fonctions. Dans ce tohu-bohu d'envies multiples, l'idée prévalait d'en restituer du contenu. Voyageant seule, ma façon de partager est d'associer les autres.
L'envie n'est pas seulement de voyager. Même si le voyage m'attire irrésistiblement, je désire le vivre différemment, et donc le construire aussi autrement. C'est ce que je m'efforce de réaliser depuis… quelque temps.