jeudi 12 janvier 2012

Notre traversée du désert

Comment faire pour aller en Iran ?
L'incontournable Turkmenistan.



Dès lors que nous obtenons notre visa pour l'Iran (non sans mal), nous sommes amenés à traverser le Turkmenistan, non pas que nous tenions particulièrement à nous rendre dans ce pays où les droits de l'homme sont à peu près inexistants.
Le régime dictatorial, l'un des plus autocratiques au monde, attire peu l'attention des puissances occidentales.


Partie intégrante de l’Empire perse sassanide, la région a joué un rôle important sur la route de la soie, comme en témoigne l'oasis de Merv (où nous n'avons, hélas, pas le temps de nous rendre). Au VIIe siècle, un clan turc – les Oghouz – s'est établi dans cette zone ; convertis à l’islam, ils furent connus sous le nom de Turkmènes. En lutte constante contre les Ouzbèques et les Afghans, ils durent se soumettre à l’Empire des tsars. La République du Turkménistan, intégrée à l’URSS en 1924, est devenue indépendante en 1991.


L'économie du pays repose sur l'exploitation de gaz naturel et de pétrole. L'Asie centrale abrite les plus grandes réserves d'hydrocarbures après le Moyen-Orient.
Autant dire que ce pays est peu soucieux de faire venir des touristes sur son territoire.



Nous attendrons notre visa 20 jours à Tachkent (Ouzbékistan). Une fois, ce sésame obtenu, il nous faut rapidement gagner la frontière ouzbéco-turkmène. Les dates d'entrée et de sortie doivent être impérativement respectées : ainsi nous avons cinq jours pour traverser le pays et atteindre l'Iran. Et comme sa caractéristique géographique essentielle repose sur la présence du désert du Karakoum qui couvre 80 % de la superficie du pays, nous ne devons pas chômer. Cinq jours pour moins de 5oo kilomètres de désert, sous un soleil de plomb (environ 40 °C), voilà un défi qui nous tente bien.



Alors armés de nos vélos chargés de 10 litres d'eau supplémentaires (pour moi), 12-13pour mes comapgnons de voyage, nous nous élançons sur cette route.
Pour notre plus grand bonheur, le vent nous est favorable. Tous les cyclos rencontrés nous l'avaient promis, mais nous n'osions pas y croire, car Eole ne nous avait guère quittés (de face) ces derniers mois.
Portés de la sorte, nous relevons le challenge en moins de temps que prévu (3,5 jours), et battons notre record de kilomètres journaliers parcourus (plus de 150).



Revers de la médaille, nous allons tellement vite que nous nous arrêtons à peine pour prendre des photos. Le paysage monotone ne nous incite pas non plus aux arrêts. D'autant que le soleil, lui, tape, et fort. L'absence d'ombre concourt aussi à expliquer notre volonté à aller de l'avant.



Nous serons accueillis au milieu de ce no man's land par des familles ravies de nous inviter dans leur foyer, même si la communication est rendue difficile.



La tyrannie du régime et l'absence de libertés individuelles n'a pas entamé leur sens de l'hospitalité.






Enfin, nous arrivons aux portes de l'Iran.

Nous nous sommes préparés à la transition, notamment, pour Marie et moi-même ; de superbes tuniques - qui répondent aux canons vestimentaires en vigueur en Iran - nous attendent, et surtout, nous devons porter le hidjab. Nous buvons aussi notre dernière bière au Turkmenistan avant de passer la fontière pour fêter mon anniversaire, deux jours plus tard.




L'Iran, mode d'emploi : au pays des mollahs

Nous arrivons à proximité de Mashhad, deuxième ville sainte du pays. Toutes ces femmes habillées en noir, ça donne le vertige. Bien que nous soyons vêtues selon les normes, notre costume semble un peu trop coloré. Toutefois, la variété reste de mise, et chaque femme a sa façon de porter le voile.



Nous nous rendons compte rapidement que le sens de l'hospitalité iranienne défie toutes les lois de l'entendement, mais qu'il existe un paramètre qui rend notre circulation dans le pays quasiment impossible : une fois au volant de leur voiture, les Iraniens deviennent trop dangereux pour les cyclistes que nous sommes.
Ayant pu échanger facilement avec les Iraniens (nombreux sont ceux qui parlent anglais) soucieux de revaloriser l'image effroyable qu'ils véhiculent dans le monde, certains mettent en relation leur comportement d'automobilistes avec les interdits multiples qui régissent leur vie publique !! L'automobile est un espace de liberté. A vos risques et périls !




Toujours est-il qu'après une échappée de quelques jours dans un coin plus tranquille, nous décidons d'abandonner nos vélos et de prendre les bus pour nos déplacements dans le pays.



Nous ne nous éternisons pas à Mashhad, ville religieuse et lieu de pèlerinage pour tous les chiites. Une fois mon gâteau d'anniversaire dégusté, nous rejoignons Yazd, dans le sud du pays, ma ville préférée.



Ma présence dans une ville sainte aurait-elle produit sur moi des effets hallucinogènes : serait-ce cela l'illumination suprême. Mais non, c'est l'effet "chocolat".

L'Iran a 5 000 ans d'histoire derrière lui
Depuis que Cyrus le Grand (VIe siècle av.JC) a rassemblé tous les peuples des plateaux iraniens sous son autorité et les a entraînés à la conquête de l'Orient (de la mer Égée à l'Indus), l'Iran n'a cessé de rayonner sur le monde environnant. Grâce aux Achéménides (539 à 330 av. JC) émerge une grande civilisation( la culture persane) dont témoignent les ruines de Persépolis. Ainsi, l’Iran – la Perse – a été le berceau des plus anciennes cultures, le lieu de naissance, d’épanouissement et de rencontre des religions, des mystiques et des philosophies.








Yazd, parmi l'une des plus vieilles villes du monde, est aussi le centre des zoroastriens (la religion zoroastrienne prédominait sur le plateau iranien avant la conquête arabo-musulmane) et des caravansérails. Réputée pour sa soie, cette ancienne ville caravanière a fondé jusqu'au XVIIe siècle sa prospérité sur son commerce.




Les maisons traditionnelles sont construites en pisé, à toits plats dominés de hautes tours (les badgir : tours du vent) en briques. Typiques de l'architecture du désert), elles servent à la ventilation. Ce système original permettait en été de faire circuler l'air pour refroidir l'intérieur des maisons.




La ville (au milieu d'un désert) s'approvisionne en eau par des canaux souterrains (qanats) détournant les sources des déserts montagneux. Ces qanats, creusés et entretenus par l'homme, courent sur des distances allant parfois jusqu'à plusieurs kilomètres, pour approvisionner des citernes souterraines collectives ou particulières, pour les maisons des familles les plus riches.



La ville est très attachante, pourtant, il nous faut bien la quitter pour découvrir Shiraz et, à proximité, le site mythique de Persépolis.
Au pied des monts Zagroz, la quatrième plus grande ville d'Iran a été capitale du pays au XVIIIe. Grâce à une abondance d'eau relative en comparaison avec les déserts environnants, l'agriculture (raisins, agrumes, coton...) est une composante majeure de l'économie autour de Shiraz. Ses jardins sont aussi célèbres à travers tout l'Iran.










Persépolis était une capitale de l’empire perse achéménide (VIe siècle av. JC) bâtie par Darius 1er pour souligner l’unité et la diversité de l’empire achéménide, et asseoir la légitimité du pouvoir royal. La construction de Persépolis se poursuit pendant plus de deux siècles, jusqu’à la conquête de l'empire et la destruction partielle de la cité par Alexandre le Grand en 331 av. J.-C.



De nombreux bas-reliefs sculptés sur les escaliers et portes des palais représentent la diversité des peuples composant l’empire. D’autres consacrent l’image d’un pouvoir royal protecteur, souverain, légitime, et absolu.





Nous remontons vers le nord, direction Ispahan qui regorge de richesses architecturales en tout genre. Au cœur du plateau iranien, à 1 574 m d’altitude, Ispahan est une oasis au milieu de l’aride plateau iranien. Capitale de l’empire perse sous la dynastie des Safavides entre le XVIe et le XVIIIe siècle, la cité constitue l'un des joyaux du Moyen-Orient.
Le centre de la ville est occupé par la vaste place royale (Meidan-e Chah).













Tous les éléments architecturaux du Meidan-e Chah, y compris ses arcades, sont décorés d'une profusion de carreaux de céramique émaillée et de peintures figurant des motifs floraux, des arbres en fleurs, des vases, des bouquets... dans le style de Riza-i Abbasi, à la tête de l'école de peinture d'Ispahan au cours du règne du shah Abbas.






Le pont Allahverdi Khan, aussi appelé pont « aux trente-trois arches » a été érigé en 1608. Avec ses arcades, dans les côtés et dans la base, il offre une possibilité de promenade à plusieurs niveaux, selon la hauteur de l’eau. Il sert de lieu de passage, mais aussi de barrage pour réguler le cours de la rivière.





Contrairement à l'Ouzbékistan qui possède aussi des sublimes cités mythiques (Samarkande, Boukhara, Khiva), les villes iraniennes respirent davantage l'authenticité. Les splendeurs ouzbéques se déploient trop souvent dans des espaces dénués de vie locale.

Le bazar en Iran, considéré comme la « colonne vertébrale » de la ville, est organisé en différentes parties dédiées à certains artisanats ou commerces. Il est toujours au centre d'activités débordantes.














Avant de nous diriger sur Téhéran, où Guillaume doit prendre son avion pour retourner à Montréal, nous tentons une petite excursion en vélo. Histoire d'expérimenter au moins une fois le bivouac iranien.





En deuil, après la disparition de mon pantalon-bermuda préféré, je rejoins Téhéran, où l'accueil royal que j'y reçois me fait oublier cette perte. La famille arménienne d'une amie m'assure gîte, couvert et visite de la capitale en prime.











Photo floue, mais la seule avec hidjab.




Téhéran est une métropole moderne très bétonnée qui compte 13 millions d'habitants. Autre caractéristique pour une capitale, elle ne possède pas de fleuve. L'un des repères de la ville dans cette forêt d'immeubles en perpétuel chantier : les montagnes (l'Elbourz). Les quartiers résidentiels se nichent sur les hauteurs, pour échapper aux nuages de pollution.

Les portraits de l'imam Khomeiny (guide suprême de la Révolution) et ceux de Khamenei sont partout, même si le clergé intégriste est aujourd'hui contesté. Les affiches de propagande tiennent lieu d'art mural, les allégories célébrant les martyrs de la guerre Iran-Irak couvrent aussi les façades.

2 commentaires:

  1. Le voyage se poursuit, SUPER !
    Les photos sont toujours aussi belles, vivement la prochaine étape.

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  2. Un cours instructif sur cette région que l'on croit connaître et de superbes photos.
    Quel voyage!
    Monique et Alain

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Invitation eau voyage

Depuis que l'idée a germé, un temps certain s'est écoulé. Eh oui, déjà deux ans que le projet de départ ne me quitte pas. Enfin presque. Certes, il a pris le temps de revêtir toutes les formes possibles et imaginables. Pourtant, quand il a émergé de mon esprit embrouillé, je me suis imaginé que c'était l'idée du siècle. Que personne auparavant n'avait pu concevoir quelque chose d'approchant. Modeste que je suis…
Dès que je me suis penché sur la question pour préciser l'étincelle de départ, je me suis rendu compte qu'à peu près tout avait déjà été envisagé et accompli, le plus souvent, superbement. Alors, retour au point zéro? Point du tout.
L'objectif n'est pas de concevoir l'exploit, mais de mettre en place un voyage sur le long cours qui remplissait plusieurs fonctions. Dans ce tohu-bohu d'envies multiples, l'idée prévalait d'en restituer du contenu. Voyageant seule, ma façon de partager est d'associer les autres.
L'envie n'est pas seulement de voyager. Même si le voyage m'attire irrésistiblement, je désire le vivre différemment, et donc le construire aussi autrement. C'est ce que je m'efforce de réaliser depuis… quelque temps.